Cannabis, épilepsie et autres maladies neurologiques

Par Hari Bhathal

Le Dr Hari Bhathal est directeur du centre neurologique de Barcelone, ​​au sein du centre médical Teknon. Il est diplômé en médecine et en chirurgie de l'Université autonome de Madrid et spécialiste en neurologie par internat (MIR). Il a obtenu sa surspécialisation médicale en épilepsie à l'Institut neurologique de Montréal, au Canada.

Par la suite, il a développé son expérience dans plusieurs centres prestigieux, occupant principalement des postes dans les unités d'épilepsie. Il a également travaillé à l'hôpital national des paraplégiques où il a approfondi ses connaissances sur la douleur neuropathique, la spasticité et leur traitement.

Tout au long de sa carrière, il a participé à divers essais cliniques à titre de chercheur principal, surtout sur l'épilepsie. Dans le domaine des cannabinoïdes, il a été chercheur principal dans certains essais cliniques menés avec le CBD pour traiter le syndrome de Dravet, le syndrome de Lennox-Gastaut, la sclérose tubéreuse et le syndrome de Rett. Il éduque également les patients atteints de différentes maladies neurologiques quant à la possibilité d'un traitement aux cannabinoïdes.

La plante de cannabis est cultivée depuis environ 8000 ans pour ses différentes propriétés. Pendant l'Antiquité, l'usage industriel de la plante est très répandu. On s'en sert comme matériaux de construction, cordage, dans l'industrie textile et alimentaire (huiles). En deuxième lieu, le cannabis est utilisé pour son effet psychotrope dans la sphère récréative, mais aussi dans le cadre de rites religieux, de chamanisme et de divination au sein de différentes cultures et civilisations. Le troisième grand usage du cannabis est médical. En neurologie, par exemple, les premiers documents qui en font mention remontent à 2000-1000 avant J.-C., principalement pour traiter l'épilepsie et la douleur.

Le cannabis renferme environ 100 à 150 substances de nature terpénophénolique, les plus abondantes étant le THC et le CBD. Ce sont principalement ces substances qui ont retenu l'attention de la communauté scientifique pour leurs qualités thérapeutiques potentielles. La structure chimique des cannabinoïdes et leur mécanisme d'action au niveau cérébral sont étudiés depuis les années 1960. Les cannabinoïdes ont des récepteurs spécifiques dans le corps (CB1 et CB2). Au niveau cérébral, ils produisent un effet de signalisation rétrograde dans la synapse neuronale, avec effet de rétroaction négative. Cela produit des effets anti-inflammatoires, analgésiques et antiépileptiques. Ces études ont été réalisées en expérimentation animale et « in vitro ». Les cannabinoïdes ont différentes voies d'administration (orale, inhalée, transdermique) et se déposent préférentiellement dans les tissus adipeux et dans le cerveau. Les effets secondaires sont généralement considérés comme bénins, sauf dans le domaine psychiatrique où ils peuvent provoquer des délires paranoïdes, des troubles dissociatifs et des crises de panique.

L'intérêt pour l'usage thérapeutique du cannabis est né au début des années 1970, en particulier pour traiter les maux et les maladies sans traitements pharmacologiques efficaces. Il a été approuvé pour un usage compassionnel pour traiter le glaucome résistant au traitement et les effets secondaires de la chimiothérapie (Dronabinol). Avec la découverte des récepteurs CB1-CB2 et des endocannabinoïdes (anandamide) au début des années 1990, la recherche a augmenté de manière exponentielle. En neurologie, le Sativex (THC + CBD) est approuvé pour traiter la spasticité musculaire associée à la sclérose en plaques. L'usage médical du cannabis, réglementé et non réglementé, monte en flèche. La pression des patients qui consomment du cannabis à des fins thérapeutiques et de la communauté scientifique ayant fait son effet, les agences de réglementation (FDA et EMEA) approuvent la conduite d'essais cliniques pour différentes maladies, principalement neurologiques.

Il existe de nombreuses maladies neurologiques qui s'accompagnent de lourds effets pour le patient, mais pour lesquelles aucun traitement pharmacologique adéquat ne parvient à bien contrôler les symptômes. Ces altérations sont généralement des douleurs, des crises d'épilepsie et des troubles cognitifs; tous des domaines où le cannabis thérapeutique a été typiquement utilisé par le passé. Si en plus, la recherche scientifique montre que l'action des cannabinoïdes se situe principalement au niveau du système nerveux, l'étude et l'expérimentation pour les maladies neurologiques auront servi.

De fait, les organismes de réglementation exigent que les propriétés thérapeutiques d'une substance soient éprouvées scientifiquement dans le cadre d'essais cliniques randomisés en double aveugle. Ce n'est qu'alors qu'ils approuvent la molécule pour son utilisation et sa distribution par les canaux médicaux et pharmaceutiques officiels afin de garantir son bon usage. L'utilisation doit, bien entendu, aider le patient (efficacité) sans toutefois lui nuire (toxicité). En neurologie, les maladies approuvées pour l'étude sont les encéphalopathies épileptiques, les douleurs neuropathiques et les maladies neurodégénératives.

Épilepsie

La plupart des épilepsies sont bien contrôlées avec les médicaments antiépileptiques dont nous disposons. Cependant, dans 30 % des cas, les crises persistent malgré le traitement, ce qui affecte le fonctionnement au quotidien. On parle alors d'épilepsie pharmacorésistante. Parmi celles-ci, les plus graves sont les encéphalopathies épileptiques. Ces maladies se manifestent au cours de la première année de vie. Elles se caractérisent par des crises graves, fréquentes et résistantes aux médicaments antiépileptiques. De plus, elles se répercutent sérieusement sur le développement neurologique, causant un retard psychomoteur.

La première encéphalopathie épileptique à avoir été traitée avec succès avec le CBD est le syndrome de Dravet (épilepsie myoclonique sévère du nourrisson). Après que le traitement ait réussi auprès de plusieurs enfants et que divers neurologues américains aient mis au point des essais ouverts avec leurs patients pour en observer l'efficacité, les agences réglementaires ont décidé de le soumettre aux essais cliniques randomisés avec CBD. Les résultats ont été concluants quant à l'efficacité de la réduction des crises (dans certains cas avec l'élimination totale des crises), avec une certaine amélioration neurologique globale et un niveau acceptable d'effets secondaires. En présence de tels résultats, les agences ont approuvé une préparation pharmacologique (Epidiolex) de CBD pour traiter le syndrome de Dravet en 2019.

La prochaine encéphalopathie épileptique à se soumettre aux tests cliniques avec le CBD a été le syndrome de Lennox-Gastaut. Ici aussi, les résultats des essais cliniques ont été positifs. On a observé une efficacité supérieure au placebo quant à la réduction de crises en nombre et en fréquence, et ce, avec un taux acceptable d'effets secondaires. L'usage d'une préparation pharmacologique de CBD a également été approuvé pour traiter cette maladie.

Les autres épilepsies à l'étude avec le CBD sont la sclérose tubéreuse, les spasmes infantiles et le syndrome de Rett. Bien que nous n'ayons pas encore de résultats éprouvés sur l'efficacité et la tolérance, nous traitons déjà un nombre considérable de patients.

Les données positives dans les cas d'épilepsie plus sévères démontrent incontestablement l'activité antiépileptique du CBD. Probablement qu'à l'avenir, la recherche et l'expérimentation s'étendront à d'autres épilepsies résistantes aux médicaments, pour s'ajouter à l'arsenal thérapeutique dont nous disposons pour traiter ces épilepsies très rebelles.

Douleur neuropathique chronique

La douleur neuropathique chronique est une autre affection dont les résultats thérapeutiques sont actuellement médiocres. Ce type de douleur présente certaines caractéristiques particulières : picotement désagréable, engourdissement, brûlure et sensation de décharge électrique. La douleur est généralement persistante et résistante aux traitements pharmacologiques. Elle affecte de manière significative l'humeur, le sommeil, les capacités de concentration intellectuelle et, par conséquent, le fonctionnement du patient au quotidien dans toutes les sphères de sa vie.

Contrairement à la douleur viscérale ou musculo-squelettique, produite par une lésion de ces mêmes organes, la douleur neuropathique est provoquée par une lésion directe dans la structure du système nerveux. Cela peut être dû à des lésions cérébrales dans les zones de perception des sensations, à des lésions de la moelle épinière, des racines nerveuses et des nerfs périphériques. Au niveau central (cerveau et moelle épinière), les causes les plus fréquentes sont les accidents vasculaires cérébraux (AVC), les migraines, les traumatismes et les syndromes de sensibilisation centrale (fibromyalgie, entre autres). Au niveau périphérique (beaucoup plus fréquent qu'au niveau central), les causes habituelles sont les compressions dues aux hernies (lombosciatiques) et aux tumeurs, les traumatismes, les névralgies (du trijumeau et en raison du virus de l'herpès) et les neuropathies périphériques d'origine métabolique (diabète, maladies auto-immunes). Comme on peut le voir, les causes sont multiples, et le traitement fondamental vise à remédier le plus rapidement possible au facteur responsable.

Lorsque le traitement initial de la cause n'est pas efficace, la douleur neuropathique a tendance à devenir chronique. Diverses thérapies pharmacologiques, physiques, psychothérapeutiques et parfois chirurgicales sont alors appliquées, de préférence de manière multidisciplinaire (sous la supervision conjointe d'une équipe de divers spécialistes médicaux).

Actuellement, le cannabinoïde le plus utilisé pour la douleur neuropathique est le CBD et, dans une moindre mesure, le THC, avec des résultats prometteurs dans de petites études observationnelles non contrôlées. Les études cliniques menées à ce jour incluent un petit nombre de patients, différentes voies d'administration et des ratios THC / CBD très variables. Par conséquent, les résultats sont inégaux et difficiles à reproduire. Une fois les doutes quant à la voie d'administration, au ratio THC / CBD et au dosage dissipés, il faudra nécessairement concevoir un essai clinique randomisé en double aveugle.

Sclérose en plaques / spasticité

La sclérose en plaques a été la première maladie neurologique pour laquelle l'utilisation de cannabinoïdes a été approuvée. Le traitement sert spécifiquement à améliorer la spasticité et les spasmes musculaires chez les patients ayant atteint un stade avancé de la maladie. Plusieurs essais cliniques ont prouvé son efficacité incontestable, ce qui a conduit à l'approbation du vaporisateur THC + CBD (nabiximol) pour cette indication thérapeutique en 2010.

Des études observationnelles ultérieures sur la sclérose en plaques suggèrent que le nabiximol utilisé pour la spasticité entraîne également une amélioration de certains autres symptômes de la maladie comme la douleur neuropathique, le dysfonctionnement de la vessie, la fatigue et les troubles du sommeil.

Maladies neurodégénératives

Les maladies neurodégénératives sont en grande partie causées par un stress oxydatif qui entraîne la mort sélective de certains neurones. Les plus courantes et connues sont les maladies d'Alzheimer et de Parkinson. Inexorablement progressives, ces maladies ne disposent d'aucune thérapie curative pour le moment, seulement des traitements qui améliorent les symptômes.

En découvrant le mécanisme d'action des cannabinoïdes, qui agissent avec une rétroaction inhibitrice au niveau synaptique neuronal, on a également observé leur effet sur les voies de stress oxydatif. En ce sens, le CBD devient un candidat dans le traitement neuroprotecteur de ces maladies, en évitant la mort neuronale. Les études préliminaires « in vitro » sont prometteuses, mais les quelques études cliniques réalisées à ce jour n'ont pas été positives.

Ce possible effet neuroprotecteur, qui pourrait empêcher la mort sélective des neurones, a également été proposé dans le traitement des maladies similaires telles que la sclérose latérale amyotrophique, la maladie de Huntington et l'encéphalopathie anoxique périnatale.

Autres maladies neurologiques

Grâce aux connaissances du système endocannabinoïde au niveau cérébral et au succès thérapeutique dans le traitement des épilepsies et de la spasticité, l'étude des cannabinoïdes a été élargie à de nombreuses autres maladies neurologiques.

Son application aux troubles du mouvement est à l'étude : tremblements, dystonies et tics (en particulier le syndrome de Gilles de la Tourette).

Étant donné son possible effet neuroprotecteur, son utilisation dans les premiers instants suivant un AVC et un traumatisme crânien pourrait être bénéfique.

Conclusion

Nous avons été témoins de l'énorme intérêt que les cannabinoïdes ont suscité au cours des deux dernières décennies dans le traitement des maladies neurologiques. La recherche fondamentale dans ce domaine a connu une croissance exponentielle. Parallèlement à la pression des associations de patients et des communautés médicales, les agences de réglementation ont favorisé la mise en place d'essais cliniques qui ont démontré l'efficacité du cannabis pour diverses indications neurologiques. Ce succès encourage l'intégration de nouvelles maladies neurologiques qui pourraient elles aussi bénéficier de l'usage des cannabinoïdes. Nous croyons qu'il s'agit d'une nouvelle voie thérapeutique capable d'apporter des solutions alternatives dans le traitement de maladies très difficiles.

  • Toutes les informations contenues dans notre contenu sont basées sur des études scientifiques.
    Si vous envisagez d'utiliser du cannabis ou des cannabinoïdes pour traiter vos symptômes ou votre maladie, veuillez d'abord consulter un spécialiste médical.
  • L'utilisation de notre matériel à des fins commerciales n'est pas autorisée.
  • Aucune forme de modification, d'adaptation ou de traduction de notre contenu n'est autorisée sans accord préalable.
  • En cas de téléchargement et d'utilisation de nos contenus, ceux-ci seront exclusivement destinés à des fins éducatives et devront toujours être dûment accrédités.
  • La publication de nos contenus n'est pas autorisée sans autorisation expresse.
  • Fundación CANNA n'est pas responsable de l'opinion de ses contributeurs et rédacteurs.