Cannabis et maladie de Parkinson

Par Moisés García Arencibia

Docteur en Biochimie et en Biologie moléculaire, il a principalement travaillé sur le potentiel neuroprotecteur des cannabinoïdes. Il est présentement professeur de biologie cellulaire à l'Université de La Laguna.

Après la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson est la deuxième maladie neuro-dégénérative la plus fréquente. Il n'existe à l'heure actuelle aucun remède. Le cannabis pourrait-il aider à protéger le cerveau des patients atteints de Parkinson ou à soulager leurs symptômes ?

La maladie de Parkinson est une maladie dégénérative chronique du système nerveux central qui affecte principalement les zones du cerveau responsables du contrôle des mouvements. Elle apparaît généralement chez les personnes âgées de plus de 60 ans (même si dans le cas de la maladie de Parkinson à début précoce, elle touche les moins de 40 ans) et est prévalente chez les hommes.

Cette maladie est caractérisée par la mort des neurones dans une zone du cerveau appelée substantia nigra (ou substance noire). Ces neurones sont responsables de la production de dopamine, une des molécules des neurotransmetteurs nécessaires aux signaux pour voyager correctement à travers le cerveau. Une déplétion de dopamine altère les signaux des ganglions de la base, la zone en charge du contrôle des mouvements. Par conséquent, les symptômes primaires de la maladie sont des symptômes moteurs. En plus des tremblements caractéristiques typiquement associés au Parkinson, il peut y avoir une rigidité, une instabilité posturale, et une bradykinésie (ralentissement des mouvements). Aux stades suivants, des problèmes sensoriels, du sommeil et émotionnels (dépression ou anxiété) peuvent aussi apparaître, associés à de la démence aux derniers stades.

Dans plus ou moins 5 % des cas, la maladie est le résultat d'une mutation de certains gènes. Par contre, pour la grande majorité des patients, la cause est inconnue. Il s'agit probablement d'un mélange de prédisposition génétique et de facteurs environnementaux.

A l'heure actuelle, il n'existe aucun remède et les interventions médicales se limitent à traiter les symptômes. Un des principaux traitements, la Levodopa (ou l-dopa), utilisée pour compenser la diminution de dopamine, cesse d'être efficace après quelques années et provoque des mouvements incontrôlés (dyskinésie). De nouveaux composés doivent donc être recherchés pour empêcher la mort des neurones et/ou soulager les symptômes de la maladie.

Le cannabis pourrait-il être efficace dans le traitement de la maladie de Parkinson ? Dès la fin du XIXe siècle, l'utilisation du cannabis pour traiter le Parkinson a été décrite en Europe dans le « Manuel des maladies du système nerveux » de William Richard Gowers (P. Blakiston's Son & Co, Philadelphie, PA, USA, 1888). Examinons, 130 ans plus tard, les preuves scientifiques.

Les composés de cannabis, connus sous le nom de cannabinoïdes (il y en a plus de 100 référencés), agissent sur notre cerveau en se liant avec les structures appelées récepteurs CB1 (situés surtout dans les neurones et responsables des effets psychoactifs de certains cannabinoïdes) et CB2 (situés surtout dans les cellules gliales et responsables, entre autres, de la réponse anti-inflammatoire). Ces récepteurs, avec les molécules endogènes qui activent les endocannabinoïdes, constituent une partie du système endocannabinoïde. Il s'agit d'un système de communication intercellulaire présent dans notre corps.

Beaucoup de cannabinoïdes ont un grand potentiel neuroprotecteur. En se liant avec les récepteurs CB1 dans les neurones, ils peuvent les protéger de plusieurs stimuli nocifs. Ils ont également une propriété anti-inflammatoire, grâce au récepteur glial CB2. Enfin, mais non moins important, les cannabinoïdes sont des composés anti-oxydants majeurs, protégeant les neurones des lésions du stress oxydatif (un facteur significatif dans la maladie de Parkinson) indépendamment des récepteurs dû à leur structure moléculaire, ou grâce à des récepteurs non-cannabinoïdes comme les récepteurs nucléaires PPAR qui agissent comme anti-oxydants. Cela a été démontré dans de nombreuses études précliniques (in vitro et dans des modèles animaux en laboratoire) dans le cadre de différentes maladies : Alzheimer, Huntington, sclérose en plaques, et sclérose amyotrophique latérale (maladie des neurones moteurs).

La zone du ganglion de la base, touchée par la maladie de Parkinson, possède une forte densité de récepteurs cannabinoïdes CB1. Logique, étant donné que l'une des fonctions du système endocannabinoïde est de contrôler le mouvement, généralement en les inhibant. Vu l'importance du système endocannabinoïde dans cette structure, on peut spéculer sur le potentiel que représenterait sa manipulation pour la maladie de Parkinson. On a découvert que le système endocannabinoïde est altéré en cas de maladie de Parkinson, tant dans les modèles expérimentaux chez les animaux que chez les patients. Des études ont décrit une augmentation des récepteurs CB1 dans les neurones du ganglion de la base, des récepteurs CB2 dans les cellules gliales responsables de l'inflammation, et des taux d'endocannabinoïdes. Cela a été interprété comme la réponse du corps aux lésions causées par la maladie. Certains considèrent le système endocannabinoïde comme le mécanisme de défense inné du cerveau.

Des études pharmacologiques sur des modèles animaux ont démontré le potentiel neuroprotecteur de composés avec capacité antioxydante comme : le Δ9-tétrahydrocannabinol (Δ9-THC, le composant psychoactif principal du cannabis), le cannabidiol (CBD, l'autre composant le plus important des cannabinoïdes sans aucune activité psychotrope), et le Δ9-tétrahydrocannabivarine (Δ9-THCV) ; ainsi que ceux avec capacité anti-inflammatoire via les récepteurs CB2 (comme le Δ9-THCV). Même si l'activation des récepteurs CB1 est une stratégie neuroprotectrice utilisée dans le cadre d'autres maladies, elle est contre-indiquée pour le Parkinson. En effet, cela ne ferait qu'exacerber les symptômes moteurs en aggravant l'immobilité des patients. Il existe des données qui montrent, dans des modèles animaux de la maladie, que l'inhibition des récepteurs CB1 avec du Δ9-THCV augmente les mouvements.

Malgré la grande quantité de preuves précliniques accumulées, aucune recherche clinique menée à ce jour n'a démontré de résultats positifs.

Des études observationnelles semblent suggérer que le cannabis pourrait améliorer les symptômes moteurs. Dans certaines études, les patients qui ont consommé du cannabis rapportent avoir senti une amélioration de certains symptômes : tremblements, bradykinésie, mouvements incontrôlés causés par le traitement, troubles du sommeil, et douleur. Dans d'autres cependant, les patients n'ont ressenti aucune amélioration au niveau des tremblements après avoir fumé une seule dose de cannabis. Dans une autre étude pendant laquelle du CBD était administré, les patients ont rapporté des améliorations de certains symptômes psychotiques et des troubles du sommeil. Des études observationnelles de ce genre posent de nombreux problèmes : les chercheurs ne peuvent pas contrôler les variables de l'expérience, il n'y a aucun groupe de contrôle avec lequel comparer les effets, et les mesures sont indirectes et basées sur les propres observations des patients. De telles études produisent donc de nombreuses variables, ce qui peut embrouiller les résultats. Parmi ces variables, l'effet placebo. Conscients de consommer du cannabis, les patients pourrait déclarer qu'ils se sentent mieux, justement parce qu'ils croient que la consommation de cannabis va améliorer leur état. Même si cet effet est à prendre en considération, il serait préférable de voir un effet « réel ». On peut y arriver en menant des essais cliniques randomisés en double aveugle : ni le patient, ni le chercheur ne sait si le patient prend le traitement ou la substance de contrôle.

Malheureusement, très peu de tels essais ont été menés avec du cannabis sur des patients atteints de Parkinson. Et dans les essais qui ont eu lieus, très peu de patients ont été recrutés. De ce petit nombre d'essais cliniques, les résultats ne sont pas prometteurs. Lors de récentes études utilisant à la fois du Δ9-THC isolé et un extrait de cannabis avec du Δ9-THC et du CBD, aucun effet bénéfique n'a été observé sur les symptômes moteurs, sur la qualité de vie, ni même sur les troubles du sommeil. Lors d'une autre étude pendant laquelle du CBD était administré pendant six semaines, là non plus aucun effet n'a été observé sur les symptômes moteurs ou sur la neuroprotection. Toutefois, il a été noté une amélioration de la qualité de vie des patients. Même si elles ont été menées seulement sur un petit nombre de patients, ces études tendent à indiquer que le cannabis n'est pas efficace dans le traitement des symptômes moteurs de la maladie, mais il pourrait aider à s'attaquer aux symptômes secondaires. Des études doivent être conduites sur un plus grand nombre de patients et avec d'autres sortes de composés dont l'efficacité a été démontrée dans des études précliniques, comme le Δ9-THCV. Dans beaucoup de pays, cela nécessiterait un changement de loi. Modifier la classification actuelle de stupéfiant du cannabis afin de faciliter son utilisation pour la recherche.

Au vu de ces résultats, la consommation de cannabis ne semble pas être la meilleure stratégie pour traiter la maladie de Parkinson, étant donné sa capacité à activer les récepteurs CB1 via des composés comme le Δ9-THC et autres. Cependant, un traitement à base de composés avec un meilleur profil pharmacologique (comme le Δ9-THC associé au CBD, sous sa forme pure ou d'extraits de plantes enrichis de ces composés) pourrait être bénéfique.

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